Stratégie de prise en charge en cas de dénutrition protéino-énergétique des vieux

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La dénutrition protéino-énergétique chez les personnes âgées est une problématique de santé publique majeure en France. Selon les chiffres de la dénutrition des seniors en France, environ 800 000 personnes âgées seraient concernées, dont une large proportion vivant à domicile. Cette réalité souligne l’importance d’une action précoce et ciblée pour prévenir les conséquences graves de cette carence nutritionnelle. Le besoin en protéines est crucial chez la personne âgée. Malheureusement, en raison de nombreux facteurs liés à l’âge et souvent indépendants de leur volonté, les seniors rencontrent des difficultés à s’alimenter correctement, les exposant ainsi à un risque accru de dénutrition en protéines et en énergie. Quelle stratégie faut-il donc adopter pour répondre efficacement à cette problématique ?

Qu’est-ce que la dénutrition protéino-énergétique chez les personnes âgées ?

La dénutrition protéino-énergétique désigne un déficit simultané en protéines et en énergie, qui touche fréquemment les personnes âgées. Avec l’avancée en âge, de nombreux facteurs physiologiques, psychologiques ou sociaux entraînent une diminution de l’appétit, également appelée anorexie du vieillissement. Résultat : l’apport alimentaire quotidien, notamment en protéines, devient insuffisant pour couvrir les besoins de l’organisme. Or, la protéine est un macronutriment essentiel : elle participe à la construction et à la réparation des tissus, au maintien de la masse musculaire, et soutient le bon fonctionnement immunitaire. Les recommandations nutritionnelles visent un apport protidique d’environ 15 % de l’apport énergétique total, mais celui-ci est rarement atteint chez les personnes âgées, qu’elles soient malades ou apparemment en bonne santé. Ce déséquilibre a des conséquences multiples, souvent graves, sur la santé globale :
  • Perte de masse musculaire (sarcopénie), entraînant une fatigue chronique et une réduction de la mobilité
  • Risque accru de chutes et de fractures liées à une fragilité osseuse et musculaire
  • Retard de cicatrisation et vulnérabilité accrue aux infections
  • Aggravation de l’état de dépendance fonctionnelle et perte d’autonomie
  • Hausse de la morbidité, du risque de décès et de la survenue de maladies sous-jacentes (infections respiratoires, escarres, etc.)
La dénutrition constitue ainsi un facteur de déclin rapide chez la personne âgée et nécessite une prise en charge précoce et ciblée.

Stratégie de prise en charge

Face à la dénutrition protéino-énergétique chez la personne âgée, il est essentiel de mettre en place une stratégie adaptée, progressive et centrée sur les besoins individuels. Cette stratégie repose sur trois piliers complémentaires : l’analyse du contexte, le choix de la modalité nutritionnelle et le suivi régulier de l’évolution du patient.

Comprendre le contexte et les besoins nutritionnels

Avant toute prise en charge, il est indispensable d’évaluer l’état nutritionnel de la personne âgée. Cela passe d’abord par une enquête sur ses habitudes alimentaires, notamment la fréquence de consommation de produits protidiques comme les viandes, poissons, œufs, et produits laitiers. Il faut également tenir compte :
  • des pathologies sous-jacentes (digestives, neurologiques, psychiatriques),
  • des handicaps éventuels limitant l’autonomie à table,
  • et des considérations éthiques ou religieuses pouvant influencer les choix alimentaires.
Ce recueil d’informations permet de poser les bases d’une intervention réaliste et respectueuse du patient.

Les modalités de prise en charge nutritionnelle

Une fois le bilan réalisé, trois types de prise en charge peuvent être envisagés, selon les capacités d’alimentation du patient et la gravité de la dénutrition :
  • L’alimentation par voie orale est à privilégier dès que possible. Elle comprend des conseils nutritionnels personnalisés, un soutien à la prise alimentaire (aide humaine, adaptations de texture), ainsi que l’enrichissement des repas en calories et en protéines.
  • La nutrition entérale (par sonde) est indiquée si l’alimentation orale est insuffisante ou impossible à maintenir. Elle permet un apport contrôlé et sécurisé, notamment en milieu hospitalier ou en soins à domicile encadrés.
  • La nutrition parentérale, par voie intraveineuse, constitue un dernier recours. Elle est utilisée lorsque le tube digestif ne peut plus assurer ses fonctions, en raison d’une pathologie grave ou d’un état d’épuisement digestif.
Des compléments comme l’alpha-cétoglutarate d’ornithine ou des vitamines et micronutriments peuvent être associés à chaque modalité, en fonction des carences repérées.

Accompagnement et suivi du patient

Aucune stratégie ne peut être efficace sans l’accord du patient et de son entourage. Leur adhésion est cruciale pour assurer la régularité des apports et éviter les ruptures dans le parcours de soins. Le suivi repose sur :
  • des pesées régulières,
  • l’estimation des ingestats (ce qui est réellement consommé),
  • et une réévaluation fréquente des besoins, notamment en cas d’évolution de l’état général.
Ce suivi permet d’ajuster les apports énergétiques (entre 15 à 30 kcal/kg/jour) et protidiques (1,2 à 1,5 g/kg/jour) pour atteindre les objectifs nutritionnels sans créer de surcharge. En résumé, la prise en charge de la dénutrition chez la personne âgée doit être personnalisée, évolutive et respectueuse de la personne. Elle repose sur une approche globale, intégrant l’évaluation, l’intervention nutritionnelle appropriée et un suivi attentif dans la durée.

Quand le soin devient accompagnement : repenser la nutrition en fin de vie

À un stade avancé de la maladie, notamment lors des dernières semaines de vie, la prise en charge nutritionnelle change d’objectif. Il ne s’agit plus de lutter contre la dénutrition ou de maintenir un équilibre métabolique, mais d’accompagner la personne dans le respect de sa dignité, de son confort et de ses souhaits. L’alimentation, dans ce contexte, ne peut plus être envisagée comme un acte purement médical : elle devient un acte de soin relationnel, tourné vers le plaisir et l’apaisement. L’introduction de traitements invasifs comme la nutrition entérale ou parentérale est alors déconseillée. Non seulement leur efficacité est limitée à ce stade, mais ils peuvent également générer des inconforts supplémentaires et perturber la qualité de vie du patient. L’attention se porte alors sur des gestes simples, comme le maintien d’une bonne hygiène buccale, la réalisation de soins de bouche réguliers ou encore la gestion des symptômes tels que la douleur, les nausées ou la difficulté à avaler. Ces gestes, bien qu’élémentaires, peuvent redonner à la personne un certain apaisement et lui permettre de conserver, autant que possible, le plaisir de manger. Cette approche demande un accompagnement humain attentif, une écoute constante et une collaboration étroite avec les proches. Elle rappelle que, dans les moments les plus fragiles, le soin ne se mesure plus uniquement en grammes de protéines, mais dans la qualité de présence, de douceur et de respect que l’on offre à l’autre.

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